Les réactions à ma récente conférence (près de 150 auditeurs) sur l’ancienne maison close de Saint-Amand m’ont permis d’évaluer la fragilité des témoignages oraux dans une enquête historique. Peu habitué, en tant que médiéviste, à ce mode de travail en histoire contemporaine, les retours du public m’ont permis de corriger quelques inexactitudes dans mon propos public.
Le débat porte sur l’identité d’une maison, qu’on m’a désignée, lorsque que j’habitais en face, comme l’ancienne maison close officielle de la ville.
Cette bâtisse, de style assez récent, intrigue car elle tranche nettement sur le style du quartier, construit à base de petites maisons de plain-pied et de quelques ateliers et micro-usines. Il manque en plus un numéro, preuve que cette demeure a phagocyté deux parcelles. De bel aspect, avec étage, garage, cave, fenêtres sur cour intérieure, elle semblait toute désignée pour abriter les activités de prostitution, direction et filles soumises comprises. Tout collait parfaitement, sauf son style.
Un premier témoignage direct, d’une de mes voisines âgée, portait sur l’activité de l’établissement à l’arrivée des Américains en 1917. A part quelques anecdotes assez amusantes, cette brave dame ne m’avait rien de dit sur la maison en elle-même.
Plus tard, on me raconte qu’à la fermeture de la maison, un couple, m. et mme B., l’ont racheté et on fait supprimer tous les sanitaires, chaque chambre ayant une pièce d’eau.
Une autre source m’indique se souvenir du témoignage de quelqu’un qui avait visité les lieux après 1946 et qui y avait vu des restes de fresques érotiques dans les pièces, fresques qu’aurait fait effacer le couple.
Le soir de ma conférence, une auditrice se présente pour m’affirmer que la maison actuelle n’était pas l’ancienne maison close, détruite après la guerre, mais un bâtiment construit à son emplacement par les nouveaux propriétaires, m. et mme B.
Dernière pièce versée à l’enquête: je croise un vieux copain, au courant de ma conférence, qui m’affirme que les tuiles de l’ancienne maison de tolérance sont sur le toit de sa ferme, à une trentaine de kms de Saint-Amand. Né bien après 1946, il avait vécu longtemps avec ses grands-parents, qui possédaient une petite maison de ville à quelques numéros du lieu qui nous intéresse. Le couple B. dont le mari avait fait la guerre de 14 avec son grand-père, a bien acheté l’ancien claque, mis en vente à sa fermeture, faisant là une excellente affaire mais, pour respecter la bonne moralité de la société locale, l’a fait raser et disperser tous les matériaux. C’est ainsi qu’il a offert les tuiles à son ex-camarade du front et nouveau voisin. Cela explique le décalage entre l’histoire et le style du bâtiment.
Reste maintenant à retrouver des photographies de cette ancienne maison close. Le seul élément exploitable à ma disposition est une ancienne carte postale non datée prise du haut du Petit tertre et qui présente une vue d’ensemble du quartier du canal. L’emplacement de l’ancienne maison de tolérance est bien visible. On distingue deux petites maisons (dont celle qui portait le numéro manquant) et une construction basse perpendiculaire à l’axe de la rue, de facture plus récente, peut-être une extension à l’ancien lieu de débauche.
Je reste attentif à toute proposition concernant des documents photographiques pouvant représenter la façade de la maison close de Saint-Amand avant sa démolition. Merci de votre aide!